Reproductibilité technique des formes fossilisées

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Disrupter, … 2.0, … augmenté, casser les codes — Éculés, ces refrains. Roue qui tourne à vide. Qu’importe la sphère (Arts, savoirs, pouvoirs) la même scène qui se rejoue, mythologie : monde ancien (balayé) vs nouveau monde (qui advient). Fantasme de rupture.

L’hégémonie technologique n’y échappe pas, prétend bouleverser, tout ; fidèle prolongement de l’ordre — qui l’a produite. Non pas changer ce monde ou même remettre en cause l’organisation sociale ; en accentuer le cours : travail et marchandisation.

Une « révolution », au sens propre. Retour à la case départ. Le gros du travail serait désormais effectué par les « machines » ; réduction de l’exploitation de la force de travail ?

Même pas, toujours nécessaire celle-là. Elle sera simplement affectée à d’autres travaux — pas si nouveaux. Concurrence plus féroce.

Images d’enfance : machines fabriquées par Wallace — dans Wallace et Gromit — elles ne sont que mime de gestes quotidiens par des figures du fordisme :

… la chaîne de montage — avec tapis roulants, bras mécaniques…etc. — appliquée aux tâches les plus anodines : habillement, brossage de dents et de cheveux, préparation de repas…etc.

À peu de choses près, le même enjeu ici. Fordisme prolongé par le numérique. Poursuivre le modèle de société, le mécaniser, le machin-iser.

L’opération a été normalisée, usines, entrepôts et bureaux. Les travaux désignés comme plus ou moins qualifiés = automatisés. L’objectif désormais, reproduire l’opération sur les travaux (considérés comme) purement humains, mobilisant sensibilité et subjectivité : l’Art.

Entrepreneurs de la tech : sous les discours laudateurs, il y a ce mépris de l’Art. Pourtant, eux et leurs fameuses prouesses technologiques, modelés par un imaginaire culturel, issu de l’Art — vu précédemment, à la fin.

Industrie culturelle = leur matrice. Fantasmes recyclés à partir de là. De l’immersion, tant recherchée par les productions culturelles, à l’expérience utilisateur qui n’est, en somme, qu’une mise en récit audiovisuelle, en passant par les phantasmes éculés : homme augmenté, méta-verse, robots, etc.

Tout ça, déjà écrit, imaginé — mis en image. Un rail (qu’ils ont) suivi.

Et puis, ça se voit artiste — au fond. Reconnu comme tel — ça prend les artistes pour modèle : se positionner contre la norme, ça veut reconduire la figure du génie.

Ça veut l’effet social de l’art, sans la fragilité — sociale et économique.

Ça cherche la transfiguration, en suivant scrupuleusement les codes de l’accessibilité.

Désir, surtout, de reproduire (la prétendue) aura de l’Art. Telle que perçue — par eux, celle de l’industrie culturelle et de la standardisation, de la normalisation — donc ≠ Art.

IA générative, on croit y réussir : ça fonctionne sur le public — cette fiction marchande. Il en consomme les productions, ne fait pas la différence entre :

production (soi-disant) humaine et production (supposée) algorithmique.

production (soi-disant) humaine n’est in fine que le résultat d’une adaptation au marché et ses algorithmes

production (supposée) algorithmique n’est forgée qu’à partir de l’ensemble de productions préalablement compilées, celles qui circulent avec le plus d’efficacité, donc standardisées, et normalisées : le même qui revient

C’est bien la preuve de l’efficacité de la machine, non ?

Oui, oui tout à fait, et même double, la preuve :

preuve de la domestication de la réception — ce plaisir de l’oubli, recherche de ces productions qui caressent dans le sens du poil, ne gênent pas — ou si peu. Remuent — peut-être, mais sans déranger qui que ce soit.

Preuve que la production (soi-disant) humaine n’a rien de sensible, pourrie jusqu’à la moelle : siècles de marché, décennies d’algorithmes.

Deux productions, une même source.

Pendant ce temps, les artistes : « IA danger  ! pour nous !! pour création !!! »

Rires.

Outils dits génératifs font apparaître productions artistiques (normalisées) pour ce qu’elles sont : du vide.

Après la domestication des producteur·ice·s,

rendu·e·s inutiles, désormais

automatisation de la reproductibilité technique des formes fossilisées

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Reproductibilité technique des formes fossilisées